On sonne.
J’ouvre.
Gorboroskcwi.
– Muriel, je peux te parler, dit-il, en regardant par-dessus mon épaule.
Il l’emmène dans le couloir où il lui chuchote dans l’oreille. Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre qu’il lui parle de moi.
Muriel s’offusque. Elle ne veut pas lui obéir. Gorboroskcwi navigue dans l’incohérence la plus totale.
Le pauvre.
Je dis le pauvre parce ce que ça va mal pour lui. Il dit un truc et derrière son dos on téléphone au procureur pour savoir si cela lui convient, il ordonne des choses et dans son dos, on va voir le maire pour se plaindre. Heureusement pour lui, à chaque occasion, le maire botte en touche.
Quand même, ça va mal pour lui.
– Et pour toi, tout va bien ?
Gorboroskcwi n’a pas pu retenir Muriel. Il me parle mais le cœur n’y est pas.
C’est gentil de s’inquiéter.
Eh bien, voyez-vous, je commence à avoir une vision claire des choses. De ce qui m’attend. Muriel est le messager. Dans le couloir, elle m’a dit avec un demi-sourire, c’est provisoire de toute façon, je vais chercher un boulot stable, c’est vrai que ça ne court pas les rues, mais je cherche, jusqu’à présent je n’ai trouvé qu’à l’autre bout de Lyon, on fait des études – qu’avez-vous fait comme études, Muriel, j’ai un BTS MUC – et au final on ne trouve rien, et je l’entends protester avec véhémence contre Gorboroskcwi, qui tente de lui faire garder sa place en me dénigrant.
En quoi, Muriel t’aide-t-elle ?
Elle me rappelle par sa présence quels fléaux contre lesquels je suis sensé lutter. Elle me dit pourquoi je suis là. Pourquoi je suis à Lyon, pourquoi je lutte contre le banditisme. Trop longtemps je me suis laissé aveugler.
– Emmène-là avec toi… si tu veux.
Oui, emmène-la avec toi. Qu’importe que Muriel puisse m’aider. Je pense à Wendy Miller. Toujours la même préoccupation. Wendy se prélasse sur le divan d’une chambre d’hôtel sans le moindre souci. Elle va revenir à Lyon dans plusieurs jours, et rien ne se sera passé. Je veux dire elle agira en toute impunité.
Gorboroskcwi emmène avec toi Muriel et continue à te comporter comme si rien de grave n’existait. Je ne veux même pas discuter des différents qui naissent entre nous. Je ne veux pas envisager un échec. Au contraire, je suis le seul à me rendre compte de ce qui se passe, je suis le David Vincent de la gendarmerie. La formule peut faire rire, la formule peut prêter à confusion, mais elle détermine bien la réalité de la situation et les enjeux politiques inhérents au retour de Wendy Miller.
– Ça va ?
– Ça va, me répond Muriel, une fois débarrassée de Gorboroskcwi.
Pas la peine de perdre du temps à demander ce qu’il voulait.